Bâtiment du architecte Ricardo Gomez - immeuble blanc avec grandes fenêtres et ciel bleu
La fenêtre

au fil du temps

De l’Antiquité aux temps modernes, les fenêtres, leurs formes et leurs caractéristiques, n’ont cessé d’évoluer, faisant d’elles les témoins fascinants des styles architecturaux historiques et de l’évolution technologique.

Fenêtres en forme d'encorbellement

Source: wikimedia commons (wikimedia.org)

Depuis les débuts de l’humanité, les orifices dans les murs se retrouvent dans tout type d’habitation. Ils permettent d’entrer et de sortir, assurent une aération, laissent pénétrer la lumière à l’intérieur ou s’échapper la fumée du feu à l’extérieur. Dans les premières maisons en pierre, l’entrée était la seule source d’air frais et de lumière, complétée par de petites ouvertures tenant lieu de conduits de fumée dans la moitié supérieure du mur. Les « volets » rudimentaires se composaient de peaux d’animaux, de parchemin ou de tissu de lin. Les Germains désignaient ces trous par le terme « vindauga », qui signifie « œil du vent » ; une origine que l’on retrouve encore aujourd’hui dans l’anglais « window ».

La vitre, symbole de statut social

Dans l’Antiquité, les façades en verre, parfois de plusieurs mètres carrés, se retrouvaient essentiellement dans les thermes. Pour obtenir le verre à vitres, appelé « specularia », on faisait durcir du verre liquide dans des moules en sable et en bois d’environ 40 x 40 cm. Ces verres plats présentaient des bords ondulés et étaient opaques. Dans les habitations privées, les vitres de fenêtres sont devenues un symbole de statut bien visible à partir du IIe siècle après Jésus-Christ.

Verre plat et oriels

À partir de 950, le mode de construction de l’époque romane a permis des formes de fenêtres plus sophistiquées. Mais celles-ci n’apportaient que peu de lumière à l’intérieur et seules des fenêtres juxtaposées offraient une meilleure luminosité. Les vitraux restaient réservés aux églises et aux classes supérieures aisées. La plus ancienne technique de fabrication du verre à fenêtres est la centrifugation de sphères de verre chauffées sur la canne du verrier pour obtenir du verre plat. On obtenait ainsi des disques d’un diamètre atteignant 1,2 mètre. Pour des raisons de production, la partie centrale du disque présentait un épaississement, appelé « culde-bouteille ».

Outre les ouvertures de fenêtres caractéristiques, de nombreux châteaux forts du Moyen Âge disposaient de niches de fenêtres ou d’oriels. Ces renfoncements de murs avaient souvent la taille de petites pièces avec des bords de fenêtres encastrés et servaient principalement à la défense. Des oriels aux angles du bâtiment élargissaient à 270 degrés l’angle de vue sur le périmètre et la façade du château. Dans le gothique tardif et la Renaissance, l’encorbellement servait à élargir la surface habitable, à mieux éclairer les pièces et à créer un motif artistique de structuration de façade.

Fenêtre rectangulaire à partir de la Renaissance

La fenêtre est devenue plus élaborée et plus sophistiquée dès la Renaissance, aux XVe et XVIe siècles. Les architectes s’intéressaient toujours plus aux proportions et aux dimensions, mettant davantage l’accent sur les lignes horizontales et verticales. La fenêtre rectangulaire est ainsi devenue l’élément dominant de la conception de la façade. Des piliers en pierre avaient une fonction stabilisatrice et permettaient une subdivision en petits champs pour les vitrages fixes ou les vantaux coulissants mobiles. Aujourd’hui, de nombreux palais italiens de la Renaissance témoignent encore de l’utilisation accrue de vitres rectangulaires à cette époque, mais le plus souvent uniquement dans la partie supérieure des ouvertures de fenêtres.
Vers le milieu du XVIIe siècle, les bâtiments représentatifs ont été toujours plus fréquemment divisés en axes de fenêtres individuels, soulignant ainsi l’axe principal et les parties importantes du bâtiment, ce qui n’a pas changé à l’époque baroque. Mais au lieu de piliers en pierre, on employait toujours plus de bois transversaux et longitudinaux. L’utilité était restée la même : stabiliser et subdiviser les fenêtres. Des fenêtres pour l’hiver ou contre-fenêtres spéciales ont par ailleurs été utilisées afin d’améliorer l’isolation thermique. On a également cherché à comprendre comment elles pouvaient protéger plus efficacement de la pluie ou du froid. Ces  réflexions ont influencé la construction des fenêtres qui ont passé du statut de partie de l’architecture globale à celui d’élément en lui-même.

Commande de fenêtres, industrialisation et modernité

À partir de 1798, l’impôt sur les fenêtres est entré en vigueur en France pour taxer la bourgeoisie. En voici la logique sous-jacente : les personnes qui misent sur la représentation possèdent plus de fenêtres, et donc plus d’argent. De plus en plus de fenêtres aveugles ont vu le jour pour contourner cette imposition. Le murage ultérieur des ouvertures de fenêtres a conduit à des situations grotesques, en particulier dans les quartiers pauvres. En Angleterre, cette taxe toujours plus impopulaire a été abolie en 1851. L’un de ses « vestige » est une loi adoptée au Portugal en 2016, par laquelle les fenêtres offrant une vue agréable entraînent un impôt immobilier plus élevé.
Non seulement les surfaces de fenêtres ont gagné en envergure pendant l’industrialisation, mais les méthodes de fabrication du verre à vitres ont également évolué : le procédé du verre laminé est documenté pour la première fois en 1688 à Saint-Gobain, berceau du groupe mondial actuel. Avec le développement des constructions en acier, le verre de grande surface s’est répandu. Les serres botaniques et les orangeries étaient aussi d’imposantes constructions de verre et d’acier qui ont connu leur apogée avec le « Crystal Palace » de Joseph Paxton destiné à la première exposition universelle de 1851 à Londres : ce Palais de cristal a nécessité pas moins de 83 600 m2 de verre, 330 km d’encadrements et 17 000 m3 de bois.
Compte tenu des dimensions croissantes des surfaces vitrées, il est surprenant qu’il ait fallu attendre 1952 pour l’invention du verre flotté. En revanche, on trouve déjà le vitrage complet d’une façade dans l’aile de l’atelier du bâtiment du Bauhaus à Dessau de Walter Gropius 1926). Dans les années 1920 et 1930, les architectes du modernisme ont mené en parallèle un vif débat sur la conception et le rythme des façades au moyen de surfaces vitrées. Ainsi, l’architecte parisien Auguste Perret a reproché à son confrère suisse Le Corbusier de pratiquer un pur jeu de façade, sans tenir compte de la lumière à l’intérieur avec ses fenêtres en bandeau et ses grandes fenêtres. Adolf Loos a démontré de manière magistrale dans sa maison Müller à Prague (1928-1930) que placées de manière ciblée, des surfaces de fenêtres isolées sur la façade ne réduisent pas la luminosité dans les pièces. La villa cubique et compacte, qui paraît hermétique de l’extérieur, présente à l’intérieur une grande incidence de lumière naturelle grâce à une conception ouverte du plan.

Dessin d’un oriel par Pearson Scott Foresman (en haut), oriel d’une maison à Glatz/PL (au milieu), vitrier encadrant la fenêtre en 1833 par Jacob Eberhard Gailer (en bas).

Depuis la fin du Gothique, l’oriel sert à l’extension de l’espace habitable ainsi qu’à l’articulation de la façade : dessin d’un oriel par Pearson Scott Foresman (en haut), oriel d’une maison à Glatz/PL (au milieu), vitrier encadrant la fenêtre en 1833 par Jacob Eberhard Gailer (en bas).  (Source: wikimedia commons (wikimedia.org))

Air, lumière et ouverture

D’une manière ou d’une autre, la construction moderne s’est largement focalisée sur l’optimisation de la pénétration de lumière naturelle dans les habitations. Le souci de la santé publique a accru, dans les années 1920, l’importance d’un apport de lumière et d’air frais dans les pièces d’habitation et d’une utilisation plus large de l’espace extérieur au moyen de portes coulissantes sur les terrasses (de toit). Dans son manifeste « Befreites Wohnen » (habitat libéré) de 1929, l’historien d’art suisse Siegfried Giedion demandait par exemple qu’une maison soit « légère, translucide et mobile », ajoutant qu’elle ne devait pas être un corset mais permettre le contact avec le sol, le ciel et le monde extérieur.
En 1945, la célèbre revue « Arts & Architecture » a lancé le programme des « Case Study Houses » afin de promouvoir des maisons ayant valeur d’exemple grâce aux dernières technologies de construction et à la préfabrication. Généralement construites en acier et en verre et dotées de fenêtres panoramiques à hauteur de plafond, comme la Case Study House #22 de Pierre Koenig à Los Angeles (1960), ces maisons ont devenues un modèle pour les idées et les souhaits d’habitat moderne de la classe moyenne occidentale. Le choc pétrolier de 1972 a toutefois porté un sérieux coup à la fenêtre panoramique en raison de ses valeurs d’isolation catastrophiques dues à du vitrage simple ou double.

Aujourd’hui, presque tout est possible

Ce n’est qu’avec l’amélioration marquante des valeurs d’isolation des fenêtres actuelles que l’on peut répondre efficacement au désir de lumière naturelle et de fusion entre l’intérieur et l’extérieur. Là où il existe aussi un besoin d’espaces plus intimes à l’abri des regards, une bonne architecture est capable de concilier ces exigences a priori contradictoires. Cela, avec le soutien des multiples produits de 4B.